Notes biographiques

par Christian Bédard

Claude Bibeau est né à Drummondville le 23 mars 1954. Septième d’une famille de quinze enfants, il est le seul à s’être intéressé à la pratique artistique. Tout jeune il excellait en dessin. Il délaisse l’école assez tôt pour se consacrer à la peinture en autodidacte. C’est au début des années 70 que se situe une première période de création artistique. Claude Bibeau produit plusieurs œuvres qui seront exposées dans diverses régions du Québec lors d’expositions de groupes ou en solo.

 

À l’automne de 1973, de retour d’un voyage d’étude en France, une nouvelle série d’œuvres composée d’aquarelles, de dessins à l’encre et d’huiles sur toile voit le jour. Les titres et couleurs évocateurs les lui feront associer à des bonbons. C’est à cette époque qu’il fondera avec le peintre Colin Chabot, le Mouvement Bonbon. Ce mouvement, qui produira trois manifestes, se veut dans un premier temps une réflexion esthétique influencée par l’univers enfantin (celui que créent les adultes pour leurrer les enfants).

Bibeau peint alors des acryliques sur toile dont les sujets sont directement puisés dans ses souvenirs d’enfance et dont les formes seront inspirées des livres de contes, des bandes dessinées, des dessins animés et même des jouets. Ses œuvres et sculptures imiteront des jouets et seront même parfois de vrais jouets non-altérés et consacrés  « œuvres bonbons ». Le second manifeste du mouvement prendra tout logiquement la forme d’un cahier à colorier.

En 1976, trois nouveaux membres se joignent au Mouvement Bonbon, deux autres peintres et un poète. Paraît alors le troisième et dernier manifeste qui poussait encore plus loin la démarche entreprise par Bibeau et Chabot en invitant l’observateur, le spectateur, à devenir lui-même un  « Être Bonbon ». Suite à l’exposition concept-affiches tenue dans cinq villes québécoises et portant sur le thème « Appel aux Extra-terrestres », le Mouvement Bonbon se situera de plus en plus en marge de l’univers humain. Les œuvres de Bibeau se rempliront de personnages et de symboles exprimant l’incompréhension des idéaux et des stéréotypes humains.

 

L’éclatement du groupe lui fera quitter momentanément la peinture pour l’orienter vers le théâtre pour enfants. Il participera à l’équipe de La Cannerie comme scénographe et comédien. Il contribuera à l’écriture collective de spectacles et fera même de l’animation en milieu scolaire. C’est aussi à cette époque ou peu après qu’il commence une collection de jouets de la période 1950-70, collection qu’il devait continuer d’accroître jusque dans les derniers mois de sa vie. Cette fascination pour les jouets se traduira plus tard par leur utilisation dans d’étonnantes compositions plastiques très éloignées d’une vision enfantine ou naïve du monde.

 

En 1979, Claude Bibeau quitte La Cannerie et Drummondville pour s’installer à Montréal. Il y fait un retour à la peinture et explore principalement le portrait : de lui-même, de ses amis et même d’animaux favoris. Toujours inspiré par le jouet, il tend à donner à ces portraits l’effet des peintures dites « à numéros ». À mesure que sa recherche se poursuit, tant au niveau des thèmes exploités que des sujets dépeints, sa technique s’approche de plus en plus de l’hyperréalisme. Il produira alors une série de portraits et de tableaux d’une grande précision démontrant l’excellence de sa technique artistique. Les personnages de cette période sont mis en situation dans des scènes tirées du quotidien ou imaginées par le peintre. Hommage aux idoles , Paix et Amour , Chabounadonga et La Saint-Jean illustrent bien cette période.

 

À partir de 1985, toutefois, ce détour vers l’hyperréalisme s’achève. S’affirmera alors progressivement un univers pictural inspiré, puis bientôt dominé, par le jouet. Cet univers propose un constat critique de la société où les jouets sont mis en scène comme au théâtre par un adulte-enfant qui semble s’attacher à dépeindre la facticité de l’existence humaine. Le jouet y apparaît comme élément essentiel de la composition du tableau où il partage encore un moment l’espace avec une présence humaine. Mais l’évolution de sa thématique chassera graduellement toute présence humaine du tableau si ce n’est sous la représentation ou la forme de jouets anthropomorphes.

« Autoportrait automate – Hommage à Vinci », créé en 1986, fut le premier tableau de cette nouvelle et dernière période de la création artistique de Claude Bibeau. Plusieurs de ses œuvres les plus riches seront créées au cours de cette période fertile : Sébastien , Parade et le déchirant Figure de tragédie pour ne nommer que celles-là. Cette période est aussi marquée par de nombreux hommages à des peintres célèbres, dont Raphaël, Ingres, Modigliani, Lemieux et Géricault. Il s’intéressa ensuite à des personnages de la mythologie et de l’antiquité grecques, toujours en les représentant sous forme de jouets, ainsi qu’à la représentation animale d’activités humaines.

Malheureusement diagnostiqué séropositif au VIH au début des années 90, la santé de Claude Bibeau commence à décliner après 1996. Avec son compagnon de vie depuis 17 ans, Uwe von Harpe, il effectuera quelques voyages en Europe. Mais en 1997, le décès soudain de son amant et le déclin progressif de sa santé le forcent à abandonner la peinture. Le 30 juillet 1999, après plusieurs mois de lutte contre le sida, il s’éteint entouré de ses plus proches amis.